“Land Back en milieu scolaire”

By: Catalina Londoño Flores

PUBLISHED IN LAND BACK | (2021) 1:2 ROOTED
DOWNLOAD FULL ISSUE (PDF) HERE

Catalina Londoño Flores, Tati para los íntimos. Born on unceded Indigenous lands and a guest I remain. My family is from the countries known today as Guatemala and Colombia. I am what I call the result of 500 years of colonization.  One thing is certain, I do not identify with the nationalities that colonizers have forced upon “their” populations throughout centuries. As an educator, I wish not only to inspire and equip children to affirm fierclessly their identities without others telling them who to be, but also to be humble on whose lands they live. By doing so, they can understand the important role they have in society and become the pillars of tomorrow.


Introduction

Le concept « Land Back », au-delà du premier sens auquel nous l’entendons, soit celui de redonner aux peuples autochtones la souveraineté de leurs terres ancestrales, sert à dénoncer les pratiques coloniales qui ont encore un impact sur ces peuples autochtones et à revendiquer leurs droits fondamentaux. Comme le stipule l’organisation Land Back[1], le combat pour la libération des peuples autochtones se joue à la fois sur le plan social, politique et culturel. À l’école, on enseigne aux élèves une histoire unilatérale qui présente les Européens comme des grands explorateurs qui ont découvert un Nouveau-Monde en entretenant une charmante amitié avec les Autochtones. Les conséquences du colonialisme au Canada ne sont pas abordées de façon continue tandis que les élèves tentent de retracer l’histoire du territoire sur lequel ils habitent désormais. Ce manque d’inclusion et d’objectivité amène ces futures citoyen.ne.s à développer, malgré eux, une relation possessive face à la terre. En effet, ils apprennent à croire que le terrain acheté a été acquis légitimement, et non pas par une violence envers les peuples autochtones. Afin de pouvoir changer le fil de cette réalité et d’instaurer un changement dans la société, il faut revoir l’enseignement de l’histoire et des réalités vécues par les Autochtones eux-mêmes.  En effet, il faudra définir Land Back en milieu scolaire et le rôle de l’enseignant.e.

Qu’est-ce que Land Back veut dire en milieu scolaire?

Se réclamer du mouvement Land Back en milieu scolaire, c’est se montrer comme un.e allié.e, comme « une personne qui perturbera les espaces oppressifs en éduquant les autres sur les réalités et l’histoire des personnes marginalisées » [2]. Autrement dit, c’est de devenir une personne engagée qui sera en mesure de mobiliser les avantages de son privilège, comme personne non marginalisée, pour élever les voix des personnes qui le sont. Une trousse d’outils pour les allié.e.s aux luttes autochtones[3] a été créée pour guider les gens désirant s’engager activement aux côtés des peuples autochtones. Ce document invite non seulement les personnes à soutenir et à promouvoir les voix autochtones, mais également à se décentraliser et à s’ouvrir aux autres. Vouloir être un.e allié.e n’impliquera jamais de satisfaire son propre égo, car une seule personne ne sera jamais au cœur du problème. Lorsqu’une personne souhaite devenir un.e allié.e, sa réflexion doit être objective afin de laisser la place aux membres des peuples autochtones pour parler de leur réalité. Tel que la trousse le souligne, être un.e allié.e se démontre par la compréhension à travers des actions, des relations et de la reconnaissance collective des communautés.

De plus, Land back en milieu scolaire, c’est également prendre conscience du cadre historique autochtone en faisant preuve d’initiative. Afin de pouvoir faire avancer la société, la reconnaissance du passé colonial du Canada est la première étape avant qu’on puisse arriver à une véritable réconciliation. Pour pouvoir se faire, décoloniser l’enseignement de l’histoire du Canada est un début. Il s’agit d’un effort nécessaire pour sensibiliser les jeunes à avoir une meilleure compréhension des réalités vécues par les Autochtones. Natasha Roudeix stipule que plusieurs enseignant.e.s non autochtones « ne sont pas nécessairement bien formé.e.s pour enseigner des perspectives très éloignées des leurs »[4]. Effectivement, le programme de formation de l’école québécoise n’inclut pas l’enseignement des perspectives autochtones en classe, ce qui peut être un défi[5]. Cependant, dans un monde où l’information est plus accessible que jamais, les enseignant.e.s sont en mesure de faire preuve d’initiative et de s’informer auprès des ressources disponibles, soit des ouvrages autochtones, des films et des personnalités, afin d’être en mesure de représenter plus justement l’histoire depuis l’arrivée des Européens. D’ailleurs, avec la présence des réseaux sociaux, il est possible de s’informer quotidiennement à l’aide de pages telles que decolonizemyself[6] et decolonizeyourclassroom[7] qui publient du contenu à la fois historique et actuel dans le but de décoloniser l’histoire et la société actuelle. Un certain malaise s’installe pour plusieurs allochtones lorsque vient le temps de parler des pensionnats autochtones, des stratégies d’assimilation implantées par le gouvernement telles que la Loi sur les Indiens et des actions répréhensibles posées jusqu’à ce jour par les autorités canadiennes. Il faut affronter le malaise et identifier ses sources afin de permettre une croissance individuelle et de s’engager dans une démarche de décolonisation. Naturellement, il ne s’agit pas d’un processus facile, d’où la nécessité de décentraliser son point de vue et de faire place aux voix des survivant.e.s et de leurs familles.

Quel est le rôle de l’enseignant.e?

Le rôle de l’enseignant.e ne s’arrête pas à la transmission des savoirs essentiels prescrits par le programme de formation de l’école québécoise. L’enseignant.e doit amener les élèves à s’engager dans une démarche individuelle qui leur permettra de développer un esprit critique et responsable. Le programme de formation de l’école québécoise couvre pauvrement l’histoire des Autochtones. En d’autres mots, l’histoire canadienne ne raconte qu’un côté de la médaille, celle des Européens. Personne n’aime s’identifier aux vilains dans l’histoire, mais il faut être capable de reconnaître les erreurs du passé de ses ancêtres et d’apprendre de ces dernier.ère.s pour ne pas les répéter.  En offrant aux élèves un enseignement inclusif de l’histoire, ils pourront comprendre avec aisance le rôle qu’ils occupent dans une société prospère mais qui demeure toutefois coloniale. Conscientiser les élèves sur les conséquences qu’a eu et que continu d’avoir la colonisation sur les peuples autochtones leur permettra d’aiguiser leur esprit critique face aux événements historiques. En jetant un regard sur le passé, les élèves seront amené.e.s eux-mêmes à relever les erreurs commises dans le passé et pourront en tirer des leçons qui leur éviteront de les reproduire. Ainsi, ils pourront comprendre avec plus de facilité les défis que doivent relever les Autochtones et ainsi devenir des individu.e.s critiques et solidaires.

D’autre part, l’enseignant.e doit être capable de mobiliser les ressources disponibles pour appuyer son enseignement. Par exemple, les enseignant.e.s peuvent utiliser les outils pédagogiques prévus à cet effet et inviter des membres des peuples autochtones à discuter avec les élèves. Historica Canada a collaboré avec des historien.ne.s et des professionnel.le.s en éducation autochtone pour créer un document didactique intitulé « Guide pédagogique perspectives autochtones »[8] sur l’enseignement de l’histoire du Canada tout en tenant compte des perspectives autochtones.  Le document comprend un guide enseignant afin d’accompagner les éducateurs dans les activités pour les élèves.  La mission de ce guide est de permettre aux élèves de développer leur pensée critique face à l’histoire et « à les aider à réfléchir à la façon dont les points de vue personnels et collectifs peuvent aider à former l’histoire, et comment ils sont formé.e.s par elle »[9]. Il est également important de ne pas rester uniquement dans les paroles lorsque vient le temps de planifier une séance d’enseignement sur l’histoire. Tel qu’Aq’am le souligne clairement, « il ne faut pas uniquement parler et agir, mais aussi demander et consulter, et prévoir une participation communautaire pour chaque composante de l’enseignement »[10]. Il faut chercher le moyen d’inviter différentes personnes autochtones afin qu’elles contribuent à l’enseignement, car il faut avoir en tête qu‘ils n’ont pas eu voix au chapitre et c’est cet effacement qui a contribué à leur invisibilité dans la sphère publique. Si l’apport direct de leurs voix n’est pas introduit dans les séances d’enseignement, l’approche coloniale de l’histoire demeurera présente dans la mesure où les voix marginalisées continueront à être des personnages secondaires dans leur propre réalité. En donnant place aux membres des communautés autochtones dans les milieux scolaires, les enseignants pourront contribuer au processus de réconciliation.

En conclusion, le concept Land Back va au-delàdu sens propre où les peuples autochtones revendiquent les territoires ancestraux.  Il s’agit de la dénonciation des conséquences de la colonisation qui sont perpétuées depuis l’arrivée des Européens, de la revendication des droits ancestraux et du retour à la culture et à la terre. C’est une affirmation : les Autochtones revendiqueront leurs droits et leurs voix se feront entendre.  Afin d’élever leurs voix, il faut revoir l’enseignement dans le système éducatif.  Lorsque l’histoire du territoire actuellement connu sous le nom de Canada est enseignée dans les écoles, les membres des communautés autochtones sont réduits à des personnages secondaires. Ce manque d’objectivité et d’inclusion ne permet ni aux élèves, des futur.e.s citoyen.ne.s responsables et critiques, de développer une relation humble face à l’histoire du territoire sur lequel ils habitent, ni à comprendre les réalités vécues des peuples autochtones. Pour pouvoir transformer cela et faire partie du changement, les milieux scolaires doivent s’engager comme des alliés proactifs et devront prendre conscience du cadre historique autochtone en faisant preuve de patience, d’écoute et d’initiative. Les enseignant.e.s devront relever le défi raisonnable de mobiliser les ressources disponibles pour appuyer leur enseignement tout en allant plus loin que les paroles: en invitant des personnes autochtones en classe pour qu’elles viennent prendre la parole elles-mêmes. Land Back représente également « la solidarité entre toutes les luttes de tous les peuples opprimés »[11]. Il est impossible d’ignorer cette réalité alors que les enseignant.e.s accueillent des élèves issu.e.s de différentes cultures, dont plusieurs font partie de peuples marginalisés. Les enseignant.e.s doivent être des piliers auprès de leurs élèves et s’assurer de les encourager à s’engager dans une démarche collective où la solidarité, le respect et l’humilité règnent.


[1] Voir « LANDBACK Manifesto », en ligne: https://landback.org/manifesto/.

[2] Voir « Opportunities for White People in the Fight for Racial Justice », à la p 2, en ligne (pdf): https://www.powershift.org/sites/default/files/resources/files/opportunities-for-white-people.pdf.

[3] Voir Dakota Swiftwolfe, « Trousse d’outils pour les alliées aux luttes autochtones », en ligne (pdf): https://reseaumtlnetwork.com/wp-content/uploads/2019/02/Trousse.pdf

[4] Voir Natasha Roudeix,«L’intégration des perspectives Autochtones » (23 Avril 2008), en ligne: Le Réseau ÉdCan http://www.edcan.ca/articles/lintegration-des-perspectives-autochtones/?lang=fr.

[5] VoirMinistère de l’Éducation Québec, « Le programme de formation de l’école québecoise » (2006), en ligne (pdf): http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/jeunes/pfeq/PFEQ_presentation-primaire.pdf.

[6]Voir généralement Decolonize Myself, compte Instagram, en ligne: Instagram https://www.instagram.com/decolonizemyself/.

[7]Voir généralement Decolonize Your Classroom, compte Instagram, en ligne: Instagram https://www.instagram.com/decolonizeyourclassroom/.

[8] Voir Historica Canada, « Guide pédagogique perspectives autochtones », en ligne (pdf): Historica Canada http://education.historicacanada.ca/files/414/Guide_pédagogiques_perspectives_autochtones.pdf.

[9] Voir ibid à la p 2.

[10] Voir Ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, « Visions du monde et perspectives autochtones dans la classe: aller de l’avant » (2015), à la p 42, en ligne (pdf): https://www2.gov.bc.ca/assets/gov/education/administration/kindergarten-to-grade-12/indigenous-education/awp_moving_forward_fr.pdf.

[11] « LANDBACK Manifesto », en ligne: https://landback.org/manifesto/.